Gérer les congés payés

De quelle latitude l’employeur dispose-t-il pour organiser les congés payés dans son entreprise? Le point sur ces différentes questions.

De quelle latitude l’employeur dispose-t-il pour organiser les congés payés dans son entreprise ? Peut-il notamment modifier les dates de départ en congés de ses salariés alors qu’il les a déjà fixées et validées ? Lorsque le salarié n’a pas pu prendre la totalité de ses congés payés du fait d’absences pour maladie, doit-il reporter les congés de ce dernier ? Le point sur ces différentes questions.

L’employeur peut-il négocier un accord sur les congés payés ?

Depuis la loi Travail du 8 août 2016, certaines dispositions du Code du travail sont d’ordre public. Il n’est donc pas possible d’y déroger et d’aménager ces dispositions par le biais d’un accord collectif.

 Concernant les congés payés, il en est notamment ainsi :

-       du nombre de jours de congés payés acquis chaque mois – 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif – et de la durée totale du congé qui ne peut excéder 30 jours ouvrables ;

-       de la faculté de prendre des congés dès l’em­bauche ;

-       de la période de prise des congés payés qui doit obligatoirement comprendre la période allant du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;

-       du droit pour les conjoints et les partenaires pac­sés travaillant dans une même entreprise d’avoir un congé simultané ;

-       de la durée maximale des congés pouvant être pris en une seule fois (24 jours ouvrables), sauf si le salarié justifie de contraintes géographiques par­ticulières ou de la présence au sein de son foyer d’un enfant ou d’un adulte handicapé ou d’une per­sonne âgée en perte d’autonomie ;

-       du congé inférieur ou égal à 12 jours ouvrables qui doit être pris en continu ;

-       des règles relatives à l’indemnisation des congés payés.

 Certaines dispositions sont ouvertes à la négociation collective et peuvent être adaptées par un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par un accord de branche (fixation de la période de prise des congés, ordre des départs en congés, délai de préve­nance à respecter par l’employeur pour modifier les dates de départ en congés, règles de fractionnement du congé au-delà du 12e jour, par exemple).

 D’autres sont supplétives, elles ne s’appliquent qu’en l’absence d’accord collectif.

 Ainsi, s’agissant de la période de référence pour l’acquisition des congés payés, elle peut être fixée par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par un accord de branche (sur l’année civile, par exemple). En l’absence d’accord, la période de référence est fixée du 1er juin de l’année précédente au 31 mai de l’année en cours (1).

 (1) Pour les entreprises affiliées à une caisse de congés payés, la période de référence est comprise entre le 1er avril et le 31 mars de l’année suivante.

 De même, la période de prise des congés payés peut être fixée par un accord d’entreprise ou d’éta­blissement ou, à défaut, par un accord de branche (sous réserve de respecter la règle d’ordre public énoncée ci-dessus s’agissant de la période du 1er mai au 31 octobre). A défaut d’accord, elle est définie par l’employeur après avis, le cas échéant, du comité social et économique (s’il existe) ou du CE ou, à défaut, des délégués du personnel.

En négociant un accord collectif sur les congés, l’entreprise peut opter pour des règles qui tiennent compte de la réalité de son organisation. Cette négo­ciation est facilitée depuis les ordonnances Macron, notamment dans les entreprises dépourvues de délé­gué syndical qui peuvent désormais proposer direc­tement à leurs salariés un projet d’accord soumis à leur vote.

 Peut-il modifier les dates de congés ?

Si l’employeur et le salarié doivent respecter l’ordre et les dates de départ en congés qui ont été fixés, l’employeur peut néanmoins les modifier. Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut en effet prévoir le délai de prévenance que l’employeur doit respecter s’il entend modifier l’ordre et les dates de départs en congés.

En l’absence d’accord, et sauf circonstances excep­tionnelles, l’employeur ne peut pas modifier l’ordre et les dates de départ en congés moins d’un mois avant la date de départ prévue.

Ce délai d’un mois court à compter de la réception par le salarié du courrier de l’employeur lui notifiant cette modification. Passé ce délai d’un mois, l’employeur ne peut modifier les dates de départ en congés que s’il justifie de circonstances exceptionnelles (mise en redressement judiciaire, commande inattendue et de nature à sauver l’entreprise, remplacement d’un sala­rié décédé, par exemple). Dans ces circonstances, le refus du salarié de respecter les nouvelles dates de congés constitue une faute pouvant justifier son licenciement.

En tout état de cause, la modification des congés peut résulter d’un accord entre l’employeur et le salarié.

En cas de congés sur plusieurs semaines, si l’em­ployeur demande uniquement le report de la dernière semaine, les juges considèrent que ce n’est pas l’en­semble du congé qui est modifié, mais uniquement la semaine en cause. En conséquence, la modification peut être valablement notifiée un mois avant le début de cette semaine et non pas avant le début des congés.

Comment gérer les congés payés du salarié absent pour maladie ?

Le Code du travail ne comporte aucune précision relative à l’incidence d’une maladie ou d’un accident du salarié sur ses congés payés. Cette situation peut éventuellement être envisagée par la convention col­lective ou résulter d’un usage.

Pour le juge français, l’incidence de la maladie est différente selon qu’elle intervient avant les congés ou pendant les congés.

Si le salarié est malade avant ses congés

Un droit au report des congés…

Le salarié qui, au moment de son départ en congés, est en arrêt de travail pour raisons de santé (maladie, maladie professionnelle, accident du travail) ne perd pas le bénéfice de son droit à congé.

Si le salarié reprend le travail avant la fin de la période de prise des congés payés dans l’entreprise, il a droit au report de ses congés. L’employeur peut néanmoins lui imposer de les prendre dès son retour.

En revanche, il ne peut pas l’obliger à prendre ses congés pendant sa maladie.

Lorsque l’arrêt de travail prend fin après la clôture de la période des congés payés, le salarié ne perd pas non plus ses congés, lesquels sont reportés après la date de reprise du travail.

Le principe du report s’applique également lorsque le salarié rechute après la reprise de son travail sans avoir eu le temps de prendre l’intégralité des congés payés reportés une première fois pour cause d’acci­dent du travail (Cass. soc. 16-2-2012 n° 10-21.300).

… qui peut être limité dans le temps

S’agissant de la durée de la période de report des congés, le Code du travail ne prévoit aucun délai.

Des dispositions conventionnelles peuvent toutefois limiter dans le temps le report des congés payés et prévoir qu’ils seront perdus s’ils n’ont pas été pris à l’issue de la période de report.

Pour la Cour de cassation (Cass. soc. 21-9-2017 n° 16-24.022), la période de report peut être limitée dans le temps, à condition que celle-ci dépasse subs­tantiellement la durée de la période de référence (soit 12 mois).

Ainsi, une durée de report entre 15 mois et 3 ans serait valable. En revanche, une durée de report d’un an n’est pas suffisante car elle ne dépasse pas subs­tantiellement la durée de la période de référence.

En tout état de cause, à défaut de limite fixée, il n’ap­partient pas au juge d’en fixer une.

Sauf si le contrat de travail a pris fin, le report des congés doit être effectif, c’est-à-dire que l’employeur ne peut pas verser au salarié une indemnité compen­satrice en lieu et place des congés dus, même s’il s’agit du souhait de l’intéressé.

Si le salarié est malade pendant ses congés

Pas de report des congés

Lorsque le salarié tombe malade au cours de ses congés payés, son arrêt de travail n’interrompt pas ses congés. Sauf si la convention collective applicable à l’entreprise prévoit des dispositions plus favorables, le salarié ne peut donc pas prolonger ses congés de la durée de son arrêt de travail ou exiger de prendre ultérieurement les jours de congés dont il n’a pu bénéficier du fait de sa maladie.

Au plan pécuniaire, le salarié en arrêt maladie pen­dant ses congés perçoit :

                son indemnité de congés payés calculée norma­lement ;

                les indemnités journalières de la sécurité sociale.

En revanche, le complément de rémunération conven­tionnel éventuellement versé en cas de maladie n’est pas dû.

Une solution contraire à la jurisprudence européenne

Pour la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le salarié tombant malade pendant ses congés payés peut demander le report des jours dont il n’a pu bénéficier du fait de sa maladie.

La jurisprudence de la Cour de cassation devrait donc être amenée à évoluer sur ce point.

Arrêt maladie = moins de congés acquis ?

Les périodes d’absence du salarié ne sont pas rete­nues pour le calcul de la durée des congés, sauf si elles sont assimilées à du travail effectif par le Code du travail.

Tel est le cas, par exemple, des périodes de sus­pension du contrat de travail à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, mais pas des absences pour maladie d’origine non profession­nelle. Ces absences ne permettent pas d’acquérir des droits à congés payés.

Cette règle est contraire à la directive européenne 2003/88/CE selon laquelle tout salarié doit pou­voir bénéficier d’un congé annuel payé d’au moins 4 semaines, et ce, même si ce dernier a été absentpour maladie (CJUE 24-1-2012 aff. 282/10). La direc­tive n’étant pas d’application directe, elle ne peut tou­tefois pas être invoquée dans un litige entre un salarié et un employeur.

Pour calculer le nombre de jours de congés, l’em­ployeur ne doit donc pas comptabiliser les jours d’ar­rêt maladie, sauf si la convention ou l’accord collectif applicable à l’entreprise prévoit leur assimilation à du travail effectif.

Néanmoins, grâce à la règle des équivalences, une courte absence liée à la maladie n’a pas d’incidence sur le nombre de jours de congés acquis par le salarié.

L’employeur doit en effet appliquer un système d’équi­valence en semaines ou en jours pour déterminer les jours de congés acquis par le salarié lorsque celui-ci a été absent pour cause de maladie sur la période de référence.

Ainsi, un mois de travail effectif est équivalent à 4 semaines ou 24 jours de travail. Un salarié qui a travaillé seulement 48 semaines dans l’année (12 fois 4 semaines) a quand même droit à 30 jours ouvrables de congés, comme s’il avait travaillé 12 mois. Une année comptabilisant 52 semaines, il résulte de la règle des équivalences que le salarié ayant été absent 4 semaines ou moins pendant la période de référence bénéficie de la totalité de ses congés payés.

  

Remarque : Peut-on rappeler un salarié en congés payés ?

Le Code du travail ne prévoit pas la possibilité pour l’employeur de rappeler un salarié pendant ses congés. Elle est en revanche envisagée par certaines conventions collectives, notamment la convention collective des bureaux d’études techniques (Syntec), de l’ameublement (négoce), des industries chimiques, du pétrole… mais en cas de circonstances exceptionnelles en général.

Les jours de congés non pris doivent être reportés et le salarié a souvent droit, en compensation, à des jours de congés supplémentaires et au remboursement intégral (sur justificatifs) des frais occasionnés par son rappel.

Remaque : Prise des congés : sur qui repose la charge de la preuve ?

C’est à l’employeur de prouver qu’il a bien mis le salarié en mesure de prendre ses congés, que ceux-ci soient d’origine légale ou conventionnelle.

En cas de litige, l’employeur doit donc apporter la preuve qu’il a bien mis le salarié dans la possibilité de prendre tous ses congés, à savoir : son congé principal (4 semaines), sa 5e semaine (Cass. soc. 26-1-2017 no 15-26.202) et ses congés supplémentaires prévus par la convention collective qui lui est applicable (Cass. soc. 21-9-2017 no 16-18.898).

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